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VPRO Dutch interview, 1994

En mai 1994, john recevait un journaliste de la chaîne hollandaise VPRO afin d'évoquer la sortie de son premier album solo "Niandra lades and usually just a t-shirt". Cette interview, la première depuis son départ des Red Hot au printemps 92 est tout bonnement hallucinante. On y découvre un john ravagé par la came, le ongles pleins de sang et les yeux exorbités. C'est toujours un choc pour tout fan de john de visionner ce document tant son état physique et mental sont déplorables. Etant relativement rare à se procurer, en voici donc une traduction plus ou moins fidèle (je ne suis pas bilingue).

Venice, avril 1994

(john est interviewé dans la maison de son amie toni chez laquelle il réside)

- Comment allez-vous?

-J: Bien. Combien de fois faut-il le mentionner dans une interview?

- Oui, bien sûr. On s'est déjà dit bonjour. Et lorsque la caméra est en marche, je vous redemande comment ça va.

-J: Bien.

- Vous écrivez des chansons?

-J: Depuis que j'ai 9 ans, quand j'ai commencé, au début, c'était la dernière fois que j'ai fait du sport et joué au baseball. Il y avait ce gars dont je pensais que c'était un crétin. J'ai fait une chanson dans laquelle je disais qu'il devrait mourir. Alors je suis rentré à la maison et j'ai remplit une cassette de 45 minutes de chansons. Et dernièrement, j'écris beaucoup de chansons. J'écris beaucoup dans des carnets. Je remplis à peu près un carnet tout les quinze jours. Et j'écris dans tous les genres, des scénarios de films, des choses qui me passent par la tête, comme les mathématiques, tous ces genres de choses.

- Vous souvenez-vous de l'une de ces chansons que vous aviez écrite à 9 ans? Cette chanson à propos du gars?

-J: Non. Je me souviens que celle-là s'appellait "fuck you to José".

- Vous ne sauriez plus comment la jouer maintenant?

-J: Non...(john montre avec sa guitare que toutes ses chansons à l'époque étaient axées autour d'une suite d'accords barrés avec un seul doigt). Mais j'avais dessiné une pochette avec un gars sur scène à l'envers dans les airs. Et mon single avait 5 chansons. Comme le groupe de punk primitif "Mad Society" qui avait un chanteur âgé de 9 ans. Mais le single n'a jamais été réalisé. Alors cette chanson flotte simplement dans l'univers.

- Voudriez-vous jouer quelque chose que vous avez récemment écrit?

-J: Bien sûr. Mais lorsque je vais faire des concerts pour cet album, je veux jouer des trucs qui pour la plupart datent de mes 14 ans et de maintenant. Alors, ça vous va si j'en joue une de cette époque?

- Très bien.

(john joue "unknown from age 14")

- Alors voudriez-vous nous en dire un plus sur le moment où vous avez quitté le groupe?

-J: Non.

- Pourquoi avoir quitté le groupe?

-J: euh..parce que..je veux dire, il y a un tas de raisons. Mais par exemple, cette chose, un an avant que je parte ils savaient que je voulais partir. Et moi et Flea, on a fait un tour dans un parc après les deux premiers mois de tournée, la tournée américaine. J'étais malheureux. J'avais brisé le code du groupe, ne pas amener sa petite-amie en tournée. Simplement parce que je ne pouvais pas la faire sans elle. J'étais heureux en regardant Flea, Chad ou mon ampli et toutes ces formes de musique qui flottent autour, mais j'étais triste pour tout le reste. Alors moi et Flea, on a fait un tour dans ce parc après la tournée. On était assis et il a dit:" Y'a-t-il quelque chose qui te plaise à être dans ce groupe?". Et j'ai dit:"non, rien du tout. Sauf de jouer avec toi, je t'aime, c'est pour ça que je suis dans le groupe, car j'aime jouer avec toi". Et il était là:"oh dieu, ce n'est pas une raison pour rester dans le groupe si tu n'es pas heureux". Mais il a dit ça et puis il a oublié. Et pendant un an, j'ai continué. Et la surprise quand je suis parti alors qu'il savait depuis ce moment que je voulais partir. Mais c'est parce que nous étions si proches. C'est comme un mariage. Si quelqu'un vous dit qu'il veut rompre, vous n'y pensez pas sans arrêt quand vous êtes avec lui. J'appréciais Flea mais c'était la seule chose. Est-ce assez? Ou devrais-je en dire plus?

- Je ne sais pas. Vous pensez que c'est assez.

-J: Il vous reste des questions sur le sujet? Je veux dire je peux rentrer dans des détails spécifiques, insulter des gens.

- Non. sauf si vous le voulez.

-J: Non, j'en ai assez fait.

- Pas en public?

-J: Non. C'est ma première grosse interview depuis que j'ai quitté le groupe.


-J: Quand je suis rentré dans le groupe, je ne pouvais pas croire qu'ils voulaient devenir cette autre chose qu'ils étaient. Je les voyais comme d'énormes stars. Mais pour eux, ils n'étaient pas encore célèbres. Ils ne l'avaient pas encore fait. Is voulaient être aussi grand qu'Aerosmith ou dans le genre. Ca a été un choc, ouai. Mais ça ne me dérangeait pas, j'étais heureux alors. Mais j'esperais qu'on resterait au niveau auquel on était, en popularité. Alors le vrai choc est arrivé quand j'ai compris que cet album que nous étions en train d'enregistrer, cette musique que moi et Flea avions crée, allait être finie dans quelques mois et allait en fait être chez les diquaires. Et que des gens allaient l'acheter et l'écouter. Cette musique que nous avions faite. Ca ne m'était jamais venu à l'esprit, je suis serieux.Ca ne m'était jamais rentré dans la tête. Cette pensée qui dit:"des gens vont acheter ça et l'écouter, beaucoup de gens, partout dans le monde". La première fois que j'y ai pensé j'ai dit:"partout dans le pays" et ensuite j'ai réalisé: "jesus, partout dans le monde!". Et je l'ai dit à Flea de 5 façons différentes et il était là: "ouai, ouai".


-J: J'esperais être totalement situé dans la dimension ou la musique existait en tant qu'energie et non à l'endroit ou la musique existait comme des mots ou comme une chose pour distraire les gens. J'étais vraiment dans un endoit spécial quand on a enregistré l'album. J'ai entendu des fantômes pendant tout l'enregistrement.

- Un endroit spirituel?

-J: Oui. C'était un lieu cool. J'ai entendu des fantômes pendant tout l'album et je disais tout le temps aux gens pendant que nous jouions ou que nous étions en train d'enregistrer. Je disais:" n'entendez-vous pas ces fantômes, écoutez!". Et flea me disait:"john, ce n'est pas tout le monde qui les entend. Il n'y a que nous qui les entendons".

- Je me souviens vous avoir vu à amsterdam. Votre vrai vie, vous aviez l'air heureux?

-J: Non. Je n'étais pas du tout un homme heureux.

- Pourquoi ?

-J: Parce que je ne voulais pas être là à faire des interviews. Pas du tout. J'ai dû partir. Je ne voulais pas y aller. Flea disait qu'il le fallait. Lui et Anthony y auraient été mais ils m'ont demandé d'y aller avec Anthony. Et j'étais simplement en train de perdre mes esprits. J'ai le sentiment que lorsque tu répètes toujours les mêmes choses, tu finis par tout banaliser. Et tu finis par ruiner tout ce dont tu parles. Et j'avais l'impression de banaliser cet art qui était très important pour moi. Et je détestais qu'on me dise que j'étais une rockstar.


Et Anthony avait l'impression qu'il ne pouvait plus blaguer car je devenais si serieux tant j'étais en colère à cause de cette histoire d'interview et de rockstar. Il n'aurait plus eu l'air d'avoir d'intégrité si il l'ouvrait trop. Alors c'était une très mauvaise combinaison vous savez. Et il était effrayé de dire quoique ce soit comme il l'aurait habituellement fait, ce qui est son truc. Alors c'était juste affreux.

- Vous voulez dire qu'il essayait de composer..?

-J: Non il essayait seulement de m'imiter. (rires de toni). Il m'imitait simplement. Car si je dis:"Van Gogh bla, bla, bla..." et qu'il dit:"sors ta queue et montre la à ma mère", vous savez, ça ne va pas ensemble.

- Ahhh.(de nouveau, rires de toni).



J: Si tu es un musicien, tu vas devenir une co-personne ou tu vas devenir... Tu vas devenir un "bon-rien", tu vas savoir comment être rien et bien le comprendre ou tu vas être un "mauvais-rien", juste un morceau de merde. Et il n'y a pas vraiment d'entre-deux quand tu es une rockstar, l'un dans l'autre.

- Comment avez-vous réagit à l'annonce de la mort de Kurt Cobain?

-J: J'ai pleuré. Je ne sais pas pourquoi. Je n'aime pas sa musique ou quoique ce soit, mais..c'est affreux. Pour son bébé. Je...je ne veux pas parler de ça.(il se lève brusquement pour prendre un paquet de cigarettes et vient se rasseoir). Je pense juste qu'il n'avait pas beaucoup de tripes. Je ne vois simplement pas pourquoi il ne voudrait pas voir sa fille grandir. Qu'il ne soit pas suffisament excité à cette idée pour ne pas penser à lui-même. Vous voyez, ça ramène à ce que nous disions. Les gens commencent a trop penser à eux-même. Je ne pense pas que le problème soit qu'ils prennent conscience du monde de la vidéo, de la célébrité. Ils pensent simplement à eux-même. Et que tu sois une rockstar ou un éboueur, si tu penses à toi-même tout le temps, tu ne vas pas être très bon à ce que tu fais. Ou tu ne vas pas être un "bon-rien". Comment le pourrais-tu?

Et avec le bébé, tu peux danser,avec eux, quand ils sont deux, et ils adorent ça. Et tu peux leurs raconter des blagues quand ils sont deux et ils aiment ça, et tu peux leurs apprendre en quoi tout le monde est idiot et ils aiment ça. Mais vous savez, ça n'interpèle pas beaucoup de monde. A quel point c'est intense, à quel point c'est merveilleux. C'est comme mon album. Il est dédié à Clara. C'est ce qui est écrit sur la pochette.

- La fille de Flea?

-J: Oui. C'est la personne la plus intelligente que j'ai jamais rencontré. Le plus serieusement du monde.

- Avec la mort de Kurt Cobain, je me suis posé la question, il y a eu la mort de River Phoenix, avant il y a eu celle de Hillel Slovak. Il y a quelque chose d'auto-destructeur qui arrive aux gens dans ce business ou quoi?

-J: Tout le monde meurt. Je ne pense pas que ce soit d'une grande importance.

- Non?

-J: Par exemple, dans le cas de River, je crois que c'est plutôt dommage qu'il faisait quelque chose qu'il n'aimait pas faire. Je crois que c'est plus regrettable qu'il soit née plutôt qu'il soit mort. Car il n'aimait pas cette vie. Il n'aimait pas ce lieu. Il est dans un meilleur endroit maintenant. Je ne pense pas que la mort soit un gros problème. Ca m'est égal si je meurs tout de suite. Ca ne veut pas dire que je sois auto-destructeur. J'aime vraiment la vie et je crois que c'est le seul moyen d'aimer la vie.

C'est ce qui commence à séparer les garçons des hommes. Quand on voit ceux qui l'ont à l'interieur d'eux et ceux qui ne l'ont pas. C'est là que quelqu'un devient un bon musicien et l'autre personne, non. Car l'un est entièrement concerné par le futur et le passé et l'autre est juste ici et maintenant, excité et calme, et triste et n'en à rien à foutre. Certaines personnes sont tristes et sont là:"oh non, tout cela nous mène vers la mort".


- Je veux toujours vous poser cette question sur cet aspect auto-destructeur dont nous avons parlé. Car j'ai discuté avec Forrest après qu'il ait fait un grand spectacle en Hollande. Il a grimpé sur quelque chose de très haut, il a faillit tombé, il a survécut, il est vraiment fou...

-J: Il portait mes vêtements.

- Il portait vos vêtements?

-J: Pendant toute cette tournée.

-J: D'accord. Vous voulez que je vous dise quelque chose de spirituel.


Les drogues, je suis un junky. J'aime me shooter et ça veut dire que je suis auto-destructeur. C'est suffisant?

- Je ne sais pas. Vous pensez que c'est une déclaration véridique?

-J: Ouai.

(john joue "untitled 11")

- J'ai remarqué ce bouquin de David Bowie. Qu'est-ce que c'est? Vous lisez ça aussi?

-J: Oui. Je ne regarde que les photos, je ne le lis pas. J'ai toujours aimé regarder les photos de David Bowie. Comme ce que je lisais quand j'avais 17 ans. J'achetai de la coke dans la rue tous les jours. Mais je mourrais de faim, je n'avais pas d'argent. Mais je me débrouillais, les jours ou je ne pouvais pas en avoir. Depuis que je voulais vraiment prendre de la coke, je regardais toutes les sections dans la biographie que j'avais dans l'index, ou était écrit "cocaine" et je regardais toutes les parties qui parlaient de cocaine et je les lisais. Comme ça, ça me donnait l'impression de prendre vraiment de la coke. Mais(feuilletant le livre)...Mais je je ne regarde que les photos. C'est lui et Iggy Pop(en désignant une photo), ils pensent que quelque chose est drôle.

- Pourquoi vouliez-vous tellement prendre de la coke?

-J: Parce que c'est super. Ca me fait me sentir bien. En plus, je pensais que c'était cool. Je pensais que David Bowie avait fait les trucs les plus cools quand il prenait beaucoup de coke. Et cette sensation, cette image est simplement la seule raison pour laquelle j'ai commencé le Rock and Roll au début. La bisexualité et la drogue étaient les deux choses dans la vie que je reliais au Rock and Roll, l'image globale que j'en avais. Quand j'avais 9 ou 10 ans, que j'ai commencé le punk rock, c'était la seule chose me permettant d'échapper au contexte de l'école, qui me donnait le sentiment que je n'avais aucune raison d'exister. Le Rock and Roll était dans mon quotidien et cela m'a donné un raison de vivre, d'avoir l'impression qu'il y avait un endroit ou d'autres personnes que moi avaient les mêmes sentiments que moi pour la vie.

Et donc, à 17 ans, je n'avais jamais réellement pris de drogue de toute ma vie. J'ai déménagé à Hollywood et j'ai décidé qu'au lieu de jouer de 10 à 15 heures de guitare par jour, ce que je faisais depuis 5 ans, j'allais juste vivre la vie. Prendre de la cocaine, mettre du maquillage tous les jours; je portais du maquillage tous les jours à cette époque. J'allais l'acheter à un mexicain étant complètement maquillé et il pensait que j'étais tout le temps défoncé. J'allais discuté avec des gars que je ne connaissais même pas, juste comme ça.

- Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi des gens comme vous éprouvent le besoin d'ajouter ces drogues à leurs corps, qui les changent et les altèrent?

-J: Chaque seconde vous altère. Chaque chose que vous ayez jamais vu vous altère. Chaque chose que vous mangez vous altère.

- D'accord mais c'est une altèration extrème?

-J: Je ne pense pas. Un parent qui vous hurle dessus est un moyen extrème d'altèration. Un coup de pied..Quand on regarde tous ces modèles de masculinité, je pense que ça vous altère.

- Vous vous réferez à vos parents?

-J: Non, pas nécessairement. Je me réfère aux parents de tout le monde. Ils font des erreurs et font preuve de désintérêt lorsque vient le moment de développer la sexualité de leurs enfants. Pour les parents, ce qu'ils considèrent d'intelligent, c'est de mémoriser, d'avoir de bons résultats à l'école. Et la conclusion à laquelle je suis arrivé, c'est que ce qui est intelligent, c'est d'être capable de s'éclater. C'est utiliser une plus grosse partie de votre cerveau, c'est votre subconscient au travail. C'est de faire des choses très intenses dans notre existence, ici et dans les autres vies qui continuent. C'est ça être intelligent. Pas seulement mémoriser des choses, un singe peut le faire. Alors, les drogues aident simplement pour ça.

Je l'ai fais toute ma vie. "Kiss" était la première fois ou je me suis vraiment éclaté sur la musique, ou ça m'a emmené vers un endroit magique. Et les drogues collent avec ça. Je ne pense pas qu'il y est quelconque forme d'alteration lourde. C'est comme si je sniffe une ligne de coke:"oh dieu, c'était terrible, j'aurais aimé ne pas l'avoir fait, affreux, ça va bien?, oui je crois que ça va aller".(rire ironique)

- D'accord mais maintenant vous vous shootez, vous utilisez de l'héroine. C'est assez dangereux?

-J: C'est ce que les gens disent. Je ne vois pas vraiment ce que ça veut dire. Je ne pense pas que cela soit là quelconque source de mal.

- Qu'est-ce que c'est pour vous?

-J: C'est une manière d'être sûr de rester en contact avec la beauté plutôt que de laisser la laideur du monde corrompre votre esprit.

- Et ça ne vous inquiète pas que ça détruise votre corps?

-J: Ca ne détruit pas mon corps. Je me sens bien. Si je ne me sentais pas bien, je changerais ma façon de vivre, je commencerai à courir ou dans le genre. J'ai plein d'energie. Je suis tout le temps en train d'écrire. J'écris de la musique tout le temps. Je développe mon cerveau. J'accentue mon appréciation de l'art en tout genre et j'essaye d'être une personne plus gentille. Je travaille toujours à essayer d'être quelqu'un de plus gentil.

- Et s'il n'y avait pas la dépendance, vous arrêteriez?

-J: Non. Même si la dépendance n'existait pas, je continuerai exactement de la même façon.

-J: La raison pour laquelle j'ai réalisé mon album est qu'il n'y a pas tellement de bonne musique de nos jours. C'est comme ça que mes amis m'ont convaincu, il n'y a plus de bonne musique aujourd'hui. Même si les gosses sont excités par la musique qui passe, je pense qu'ils attendent quelque chose qui n'ait pas la même vibe. Comme de Vinci. Comme pour moi, la vrai bonne musique comme Jane's addiction ou Jimi Hendrix, des choses de ce calibre, ont la même vibe que De Vinci. Dans ma tête, il y a quelque chose qui lie tous les artistes de tous les temps. Et aucun groupe aujourd'hui ne l'a vraiment. Et cette musique l'a.(untitled 12 passe en fond sonore).Alors je l'écoute.